E.N.I.B
1865/1962
Hommage à Léon BURET
(1892-1963)
1929 |
Léon Buret est né le 27 Mai 1892 au Longeron, petit village du Maine et Loire où son père terminait sa carrière d’instituteur. Quelques années auparavant (1883-1890) ce dernier avait exercé en Algérie et lorsqu’il prit sa retraite en 1903, il décida d’y retourner. La famille s’est installée à proximité de Bouzaréa. De 1904 à 1908 Léon devint élève du cours supérieur nouvellement créé à l’école annexe puis normalien de 1908 à 1911. Dans un chapitre du livre "Bouzaréa" publié à l’occasion du centenaire de l’école, il nous livre ses souvenirs et restitue l’atmosphère de ses études.
(Cliquer sur la miniature ci dessous pour lire les souvenirs normaliens de Léon BURET)
De 1911 à 1913 LB est instituteur à Beni-Mered, chargé de l’unique classe à 3 divisions, ce qui représente beaucoup de travail pour un débutant. Dès cette époque, il rêve de devenir professeur et commence sa préparation à l’École normale supérieure de Saint-Cloud.
1913 |
1913-1914 LB exerce à Boufarik. Il est fiancé à Aline Fatah. - Brahim Fatah et le père de Léon s’étaient rencontrés au congrès de Blida (1884) et liés d’amitié. Les relations amicales ont subsisté entre les deux familles après la mort du père Buret en 1909.
Le mariage de Léon et d’Aline a lieu de 9 juillet 1914. Léon est mobilisé le 18 septembre 1914. Sa jeune femme obtient un poste d’institutrice et est nommée à Carnot à 200 km d’Alger.
En février 1915 le bataillon du 3e Zouave dans lequel LB est deuxième classe est embarqué pour rejoindre l’expédition des Dardanelles. Après une longue traversée LB débarque sur la presqu’île le 27 avril et dès le 2 mai est blessé à la tête et rapatrié à l’hôpital militaire de Bizerte. Souffrant d’une grave commotion cérébrale, il lui faudra plusieurs mois pour pouvoir marcher de nouveau et sa convalescence durera jusqu’en octobre 1916. Réformé, il obtient sans peine son détachement comme professeur de Lettres à l’École primaire supérieure du Bd Général Farre à Alger. Les enseignants manquent.
En juin 1918 il est reçu au Baccalauréat (option philosophie) qu’il a préparé seul.
1919-1920 Collège de Médéa. Les démobilisés sont rentrés et LB doit laisser son poste à Alger mais continue à enseigner en tant qu’instituteur détaché. Il prépare de nouveau le professorat des Écoles normales et est reçu en Juillet 1920.
1920-1925 retour à l’EPS d’Alger en tant que titulaire cette fois. Tout en enseignant il poursuit ses études. Son projet est d’enseigner la philosophie dans l‘enseignement secondaire. 1923 il obtient la licence de Philosophie (faculté de Lyon) préparée par correspondance, en 1924 le diplôme d’études supérieures de philosophie avec mention très bien (Lyon) et le Certificat Sciences Physique, Chimique et Naturelles (faculté d’Alger). Il commence la préparation de l’agrégation de philosophie et y échoue en 1925.
1925-1929 LB est nommé à Bouzaréa chargé des enseignements philosophiques.
(Cliquer sur la miniature ci dessous pour lire les souvenirs de Léon BURET comme professeur à l'ENIB)
1927 LB est admissible pour la première fois à l’agrégation. Il se rend à Paris pour l'oral. D'excellents résultats en philo et pour sa leçon mais 4/20 en grec et 1/20 en latin, langues qu'il a étudiés seul. Il échoue.
A son retour il se présente au concours de l'Inspection primaire où il est admis en décembre 1927.
En 1928 et 1929, LB est de nouveau admissible à l'agrégation et de nouveau refoulé à l'oral. La barrière était solide à l'époque entre enseignement primaire et enseignement secondaire. LB décide de poser sa candidature pour un poste d'Inspecteur primaire.
Le corps enseignant de l'ENIB (12/03/1926) Léon BURET est quatrième en partant de la droite (rang du milieu) |
Ainsi s'achève une période de la vie de LB. De 1916 à 1929, il n'a pas ménagé ses efforts, consacrant tout son temps, toute son énergie à la préparation de ses examens, leur sacrifiant souvent loisirs et vie familiale. Chemin faisant, il a été un professeur efficace qui n'a pas hésité à multiplier ses tâches et ses enseignements : conférences, cours d'été au Lycée de jeunes filles, préparation d'élèves au baccalauréat, au professorat, à l'inspection primaire, voire à l'agrégation... De nombreux témoignages subsistent de la reconnaissance de ses anciens élèves. Au sortir de la guerre, les meilleures années de la jeunesse de Léon, de 24 à 37 ans, ont passé ainsi... C'est maintenant le tournant vers l'administration et ses chemins sinueux. Pour sa famille, c'est la première transplantation vraiment loin d'Alger.
1929-1932 Inspecteur primaire à Tunis. LB est absorbé par l'adaptation à un travail administratif intense. Malgré cette charge de travail qui lui laisse peu de temps, LB décide de tenter encore une fois l'agrégation. En 1932, nouvel admissibilité, nouvel échec à l'oral. LB renonce définitivement au rêve d'enseigner la philosophie en Lycée et suit le conseil qui lui est donné de postuler pour un poste de Directeur d'École normale en métropole.
1932-1933 Directeur de l'école normale d'Instituteurs de Quimper
1933-34 Directeur de l'école normale d'Instituteurs d'Aix en Provence
LB a éprouvé beaucoup de satisfaction dans ces fonctions. Des raisons familiales sont la cause de leur courte durée : la difficulté d'adaptation de sa femme au climat du Finistère, la perte de leur fille aînée, à l'âge de 14 ans à Aix. LB accepte n'importe quel poste pour rentrer à Alger.
1934-35 professeur d'anglais à l'EPS de Maison-Carrée
Puis la carrière reprend après une nouvelle déception. LB a postulé pour la Direction de l'EN de Bouzaréa mais Aimé Dupuy aussi et il était un candidat mieux placé.
1935-1937 inspecteur primaire adjoint à l'inspecteur d'Académie à Oran.
En novembre 1936 LB est inscrit sur la liste d'aptitude des inspecteurs d'académie. Il espérait Gap on lui offre Tulle qu'il refuse. La santé de sa femme ne cesse de se dégrader.1937-1938 Inspecteur primaire à Alger
On propose alors à LB le poste d'Inspecteur d'académie délégué chargé de l'Enseignement primaire à Tunis.
1938-1943 Directeur de l'Enseignement primaire à Tunis
Après un démarrage heureux, sombre période pour LB : surcroît de travail entraîné par la guerre et la mobilisation, décès de sa femme puis de sa mère en Janvier 1942, occupation nazie de novembre 1942 à Mai 1943 et bombardements de Tunis.
1943-1950 Inspecteur d'Académie à Oran
Voici ce qu'il écrit en 1945 à un collègue à un moment où il envisage de quitter Oran qu'il avait accepté à titre provisoire :
"J'ai eu beaucoup de satisfaction à mes fonctions dans lesquelles j'avais, cela va sans dire, plus d'indépendance et d'initiative qu'à Tunis. En outre, j'ai l'impression d'avoir réussi autant qu'on peut le faire à Oran, tant du point de vue du service que des relations avec le personnel tout entier."
LB connaît une grande solitude depuis que sa dernière fille Christiane s'est engagée. Pour meubler le vide de sa vie il s'est lancé dans la vie associative. Il préside les sections oranaises de France-Grande Bretagne-Etats Unis et de France-URSS, il fonde et anime un "Cercle d'études et de recherche universitaire". Il accueille des conférenciers ou intervient lui-même.
1948 |
En 1947 LB est chargé de l'intérim du poste de Vice-recteur à Alger. En juillet 1948 son poste d'Oran est publié vacant. Vice-recteur à Alger, une belle fin de carrière qui effaçait les échecs du passé et les espoirs déçus. C'était aussi une vie de famille retrouvée, Christiane mariée vivant à Alger. Le 4 octobre 1948, LB apprend verbalement par le Recteur qu'il doit retourner à Oran, le poste de Vice-Recteur est attribué à un autre. Pas d'explications. La guerre froide a commencé. L'activité de LB au sein de France-URSS, sa participation au Congrès de la Paix de Wroclaw n'ont pas plu.
1951-53 Inspecteur d'Académie Châlons-sur-Marne
LB n'a pas réussi à obtenir un poste dans la région parisienne où sa fille et son gendre se sont établis en 1951. Après un cours passage au CNRS, il a terminé tristement sa carrière à Châlons sans vraiment s'y installer.
1953-1963 la retraite
LB a retrouvé une vie familiale à Viroflay, auprès de sa fille et de son gendre et s'est beaucoup occupé de ses 4 petits-enfants, n'hésitant pas à confectionner et donner les biberons, surveillant le travail scolaire, inventant des jeux, initiant à la musique. Il était toujours prêt à apporter son soutien scolaire aux enfants du voisinages, à faire travailler la philosophie aux amis préparant le bac ou une licence.
Il a conservé jusqu'aux derniers jours son caractère tonique, son optimisme profond, son humour et son esprit curieux. Lui qui avait eu tant de malheurs et de déceptions, il mettait toujours en évidence les bons côtés et les réussites de sa vie passée.
LB est mort à Versailles le 18 mars 1963.
Tout au long de sa vie, mon père a été passionné d'enseignement et de philosophie. Il avait aussi un tempérament artistique, attiré par la peinture, pratiquant la photographie et surtout la musique. N'avait-il pas rêvé, à l'École normale, de devenir compositeur et chef d'orchestre ! La musique a toujours été présente à la maison. Tous ceux qui ont connu LB en garde l'image d'un homme droit et généreux, intègre, confiant dans les progrès scientifiques et techniques, soutenu par sa foi dans le progrès social. Il représentait pleinement la morale laïque qui l'avait forgé et adhérait aux aspirations humanistes qui ont été l'idéal et l'effort de l'école républicaine.
Je suis heureuse que ce témoignage sur la vie de Léon Buret figure sur le site de l'ENI de Bouzaréa, école que mon père a tant aimé.
Christiane Buret-Cohen