24 MARS 1990

 

INAUGURATION de la STELE du SOUVENIR

Par Albert Naimo

  

    En ce samedi 24 mars 1990, le ciel était bleu et la température douce car les dieux qui ont pouvoir de faire et de défaire les temps avaient désiré se montrer cléments à l'égard de ces enseignants d'Algérie qui à l'appel de Gabriel Chaudet, secrétaire général de leur Amicale, des quatre points cardinaux de l'Hexagone, se rendaient à Sète pour se retrouver et manifester leur fidélité aux valeurs qui avaient été et demeuraient les leurs.

A onze heures, à l'Hôtel "Balladins", se réunissaient les membres du Bureau et quelques-uns de ceux qui, en des temps tragiques, avaient fondé le Syndicat Indépen­dant des Instituteurs.

Après un repas sommaire et moult conversations, tous se rendaient à Servian pour rendre à Dominique Zattara un hommage mérité et déposer sur sa tombe une plaque commémorative, témoignage de leur indéfectible amitié à ce collè­gue qui avait tout sacrifié pour que reste française la terre sur laquelle il était né, où il avait grandi, servi. Ce fut une cérémonie émouvante, éprouvante, qui se déroula en toute simplicité en présence de Mme Zattara et de sa fille Brigitte. Le cortège revint ensuite par Agde. Longeant les plages, il regagnait Sète. 

Reçus à "Sète Accueil", par Mme Gay, présidente de cette association, mais également ancienne institutrice à Hydra (Alger), les membres du Bureau tenaient une réunion au cours de laquelle Gabriel Chaudet faisait part des réalisations accomplies et des projets d'avenir. Le trésorier Forte présentait un compte-rendu succinct de la situation financière particulièrement saine.

La soirée s'achevait à la mairie où M. Albiol, premier adjoint, délégué à l'Enseignement, Mme Maggy Cavaillé et Mme Cassany (élues municipales et...pieds noirs !), leur avaient préparé un accueil chaleu­reux : allocution de bienvenue et verre de cordialité. Il était tard lorsque les participants regagnèrent leurs pénates ou leur chambre d'hôtel, rendez-vous étant pris pour le lendemain.

Dimanche 2S mars 1990

Le vent s'est levé. La température a baissé. Sur le mont Saint Clair, face à la croix lumineuse, se dresse, couverte d'un drapeau tri­colore, la stèle que les enseignants d'Algérie ont offerte afin de rendre hommage à ceux d'entre eux tom­bés sur les champs de bataille ou sous les coups de mains criminel­les. La municipalité de Sète a donné son accord à la pose en ce lieu de cette pierre qui, nous l'espérons, comblera le vide laissé par l'abandon de leurs tombes et des plaques rappelant leurs noms et leur sacrifice.

A onze heures trente, une foule nombreuse occupe la plate-forme du mont Saint-Clair.

 Les regards se portent sur la mer qui là-bas écume, s'égarent dans le lointain d'où rejaillissent, douloureux, les souvenirs. Ô passé tragiquement interrompu.

Avant que ne débute la cérémonie pour laquelle beaucoup, de loin, sont venus, afin que ceux-là ne soient point non plus oubliés, Monsieur le Maire de Sète procède à la remise du drapeau de l'Armée d'Afrique au responsable local, M. Lopez.

Une trompette sonne "Aux Morts". Immobile, silencieuse, la foule observe la stèle que M. Capdecomme, ancien Recteur d'Académie d'Alger, et M. Robert Suchet, président de l'Amicale des Instituteurs d'Algérie, découvrent.

Une voix d'enfant s'élève : "Gloire à notre France éternelle, Gloire à ceux qui sont morts pour Elle...".

Les cœurs se serrent. Les yeux se mouillent. Ces phrases s'adressent aussi à ceux qu'aujourd'hui ils honorent.

Merci aux enfants des écoles de Sète qui ont participé à cette mani­festation et aux maîtres qui les accompagnaient, d'être venus.

Puissent, ainsi que le dira Gabriel Chaudet dans sa courte allocution, ces enfants se souvenir, toujours.

Voici que leur faisant suite, Robert Suchet prend la parole. Il parlera longuement, très longuement de l’œuvre accomplie en Algérie par les enseignants, de leur dévouement, de leur abnégation, de leur courage, des connaissances et des soins qu'ils ont prodigués dans les villes, les villages et les douars les plus isolés.

Il dénoncera les omissions volontaires, les mensonges, les infamies répandues sur les antennes. Il exprimera son écœurement. Oui, il a été long, très long, Robert Suchet, mais tous l'ont écouté jusqu'au bout. Ils ont partagé son amertume. Ils ont pensé comme lui qu'avec son personnel enseignant, la France avait lieu d'être fière de l’œuvre accomplie en Algérie.

Après cette allocution, il ne restait pas grand chose à dire.

Gabriel Chaudet fut bref. C'est aux enfants surtout qu'il s'adressa leur expliquant en quelques mots le sens de cette manifestation. Puis, brièvement, il remercia Monsieur le Maire de Sète et ses collègues du conseil municipal présents  il redit à Monsieur le Recteur Capdecomme, la fierté et l'émotion de tous les membres de l'Amicale pour sa participation ; il remercia tour à tour Monsieur l'Inspecteur d'Académie de l'Hérault, délégué par Monsieur le Ministre de l'Education Nationale et lut la missive de sympathie adressée par Monsieur Bennasayag, secrétaire d'Etat aux "rapatriés" ...

Monsieur le Maire prit ensuite la parole pour dire tout l'intérêt que la municipalité et lui-même accordaient à cette manifestation et assurer les participants de l'accueil qui leur serait toujours réservé à Sète. Quelques mesures des "Africains" mettaient un terme à la cérémonie.

Quelques minutes plus tard, les assistants se retrouvaient à l' abri du mistral ! - dans la chaude et fraternelle ambiance de "la Maison du Pied Noir" à Sète, vaste local situé dans la caserne Vauban. Là nous attendait un copieux buffet préparé par nos compatriotes. Et, l'anisette et les kémias aidant, la joie des retrouvailles se donna libre cours. Merci à vous tous, artisans anonymes de ce bonheur un instant retrouvé...

C'est ensuite à l'hôtel "La Conga" que certains se retrouvaient (118 instituteurs d'Algérie entourant M. le Recteur Capdecomme) pour prendre en commun un repas particulièrement soigné et préparé par un chef talentueux.

Il convient ici de remercier tout particulièrement M. Desgraupes ; ce fut un animateur sympathique, qui conquit l'assistance.

Les heures passèrent trop vite... Merci aux organisateurs pour cette journée d'amitié ! Tout a une fin mais nous n'oublierons pas ces heures comme nous n'oublions pas les amis trop tôt disparus et notre Algérie-française, trahie et perdue.

Albert Naimo

Ancien Directeur d'école à Alger

 

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