E.N.I.B
1865/1962
Hommage à Denis GERLL (1913-2009)
![]() 1935 |
![]() 1962 |
Denis GERLL est mort. J’avais appris par son fils Dominique que son état de santé s’était brusquement aggravé et qu’il avait été hospitalisé. Quelques jours après, c’était l’annonce de sa mort, et ma femme et moi en avons été profondément affectés, car c’était une longue et solide amitié qui nous unissait à lui et à sa famille depuis plus d’un demi- siècle. D’autres mieux que moi rappelleront sa vie, les étapes de sa brillante carrière de mathématicien et d’enseignant. Mais c’est de l’homme et de l’ami dont je me souviens avec émotion, de son humour, de sa curiosité d’esprit, de ses distractions aussi, qui nous faisaient sourire. Nous nous sommes encore revus à Paris, et nous n’avons jamais perdu complètement le contact, du moins jusqu’à la mort tragique de son épouse. Malgré son âge, il avait gardé toute sa mémoire et avait entrepris de raconter sa vie sur un DVD qu’il m’avait adressé, regrettant de n’avoir pas été informé de la réunion de Gérardmer à laquelle il aurait aimé participer. Cher Denis, cher vieil ami, nous ne t’oublierons pas, et nous nous associons à la peine de Dominique et de se famille. Francis CURTES Professeur HG à l'EN de Bouzaréa (1948-1962) |
Ce n’est pas sans émotion que j’ai appris la mort de Monsieur Denis GERLL, notre professeur de Mathématiques à l’Ecole Normale d’Instituteurs de Bouzaréa. A travers les premières réactions de mes camarades de promotion, sur notre site, cette émotion est partagée, quelle que soit l’appréciation que chacun de nous portait ou porte sur son enseignement. Monsieur Denis GERLL était très exigeant envers ses élèves, particulièrement ceux de Math-Elem. Il voulait les porter à un haut niveau de connaissances, probablement supérieur à ce qu’on exige de futurs instituteurs. Peut-être était-il plus à sa place au Lycée Louis Le Grand où il a formé une génération de brillants mathématiciens, dont deux lauréats de la « Médaille Fields »,équivalent en Mathématiques du Prix Nobel ,qui ont été impressionnés par ses qualités de remarquable mathématicien et enseignant. J’ai retrouvé Monsieur GERLL, il y a 6 ou 7 ans, à Paris. Claude LLINARES m’ayant communiqué son numéro de téléphone, je l’ai contacté aussitôt et je l’ai invité à venir chez moi. Je suis allé le chercher chez lui à Paris. Il m’a reconnu immédiatement malgré mes cheveux blancs et ma barbe tout aussi blanche. J’ai vu qu’il était ému et il m’a fait part de son plaisir de revoir un élève de l’E.N. de Bouzaréa. Au début il venait chez moi une ou deux fois par an (j’allais le chercher le matin et le ramenais le soir chez lui). Nous discutions de tout. A plus de 90 ans, il avait toujours son esprit vif et me posait des problèmes très fins de géométrie. Mais il tenait souvent à me faire savoir qu'il a réalisé combien il avait été exigeant avec ses élèves ....Il m’a dit en particulier ceci (sans garantir toutefois le mot à mot) : « J'ai été moi-même élève d’une Ecole Normale d’Instituteurs. Je voulais que mes élèves de l’E.N. dont, pour la plupart, les parents sont d’origine modeste, réussissent brillamment leurs examens. Peut-être ai-je été trop exigeant et sévère avec eux ? ». Je veux dire ici que je l’ai vu en larmes la fois où j’ai invité en même temps Khédidja TALMAT (épouse LACAZE) et son mari. Il nous a dit qu’il a vu défiler ses années à l’E.N. d’Alger. Dans les toutes dernières années, sa santé déclinant, nous avons décidé de plutôt nous voir de préférence au restaurant à Paris. Il avait toujours cet esprit vif qui lui permettait de partir dans des discussions poussées, y compris en agronomie avec ma femme. Il continuait à me parler de ses années en Algérie et de ses élèves de là-bas, tout en me posant parfois des questions de Mathématiques sur la nappe de la table de restaurant. Il revenait souvent sur la seule différence qu’il faisait entre ses élèves de l’E.N. et ceux de Louis le Grand : les uns étaient d’origine modeste et les autres étaient pour beaucoup de haute extraction. Les distinctions ( multiples prix au concours général, médailles Fields, etc.) obtenues par ses élèves lui ont valu de hautes distinctions: Légion d’Honneur, Ordre National du mérite, Palmes Académiques. Il a marqué une génération de mathématiciens. Makhlouf DERRIDJ ancien élève de l’E.N. de Bouzaréa |
Denis GERLL est né le 17/06/1913, à FRAIZE dans les Vosges. Ses parents d'origine modeste (son père était livreur et sa mère cuisinière) occupaient le premier étage d'une grande maison située au cœur du village, appartenant à un marchand de vins en gros. La famille GERLL rachètera cette maison en 1928 et la transformera en café : Le café GERLL. Le père de Denis GERLL sera Maire de FRAIZE de 1945 à 1956.
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Après l'école primaire et le Cours complémentaire de FRAIZE, le jeune Denis GERLL, est admis à l'Ecole Normale de MIRECOURT, en octobre 1929. Il sera donc de la Promo 29/32. (En 3eme année, il sera le "sonneur" de l'Ecole).
Il obtient son BS en 1932 et rejoint l'EN de Lyon pour effectuer sa "quatrième année" avant d'intégrer l'Ecole Normale Supérieure de St Cloud.
![]() EN de Mirecourt |
![]() ENS St Cloud |
En fin d'études il est nommé Prof de Maths au Collège de CHARMES (88) , puis il enseignera les Maths et la Physique au collège de MIRECOURT, jusqu'à la déclaration de guerre.
Premier poste d'enseignant: Collège de CHARMES |
En juillet 1939, il est affecté à l'EN d'AJACCIO, comme Prof de Maths et Intendant (!) mais du fait de la mobilisation générale, il doit rejoindre son régiment du Génie qui "monte la garde" sur la ligne Maginot. Il subira toutes les péripéties de la débâcle, de l'exode vers le sud, avant de se retrouver en juin 40 à Marseille et de rejoindre enfin son poste d'AJACCIO à la rentrée de septembre 1940.
En 1942, il est nommé à l'EN d'Oran, mais du fait de la suppression des EN par le gouvernement de Vichy. il enseignera au Collège Ardaillon En 1943, il est rappelé sous les drapeaux et effectuera la campagne de Tunisie, où il sera blessé à la jambe, lors d'une campagne de déminage. De retour en Algérie, il sera affecté dans des garnisons du Sud-Oranais et sera démobilisé en 45 avec le grade d'adjudant.
A partir de la rentrée 46, il va enseigner les Maths et la Physique dans les deux écoles normales d'Oran (garçons et filles)
En 1953, est créée à l'Ecole Normale d'Alger-Bouzaréa la première classe de Mathématiques Elémentaires pour toutes les EN d'Algérie. Denis GERLL y sera nommé comme Professeur de Maths. Il va y enseigner jusqu'en 1961.
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A la rentrée 1961, Denis GERLL est nommé au prestigieux Lycée Louis Le Grand, à Paris, où il va très rapidement démontrer toutes ses qualités d'enseignant en Mathématiques. Plusieurs de ses élèves seront lauréats du "Concours général" et il aura même la fierté de compter deux lauréats de la fameuse "Médaille Fields" récompense suprême pour les mathématiciens du monde entier.
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A partir de 1969, il va préparer les élèves sélectionnés pour participer aux Olympiades Internationales de Mathématique créées par les États de l'Est. Ces manifestations sont l'occasion, enrichissante, de rencontrer de nombreux collègues étrangers, et d'organiser des compétitions entre mathématiciens.
Il va prendre sa retraite en juillet 1976, mais va continuer encore quelques années à participer, comme préparateur et accompagnateur des élèves français participants aux Olympiades.
Denis GERLL nous a quittés à Paris le 8 novembre 2009. Il avait 96 ans.
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