" On dit que les grandes douleurs sont muettes, mais comment se taire ici alors que les cendres de mon oncle Paul Boucherat vont être déposées à l'intérieur de la tombe familiale. Comment ne pas lui rendre un hommage plus solennel, lui qui m'a accueilli suite à l'indisponibilité de mes parents.

   Il a pris la responsabilité de nous héberger avec J-Claude Ripoll un cousin du même âge et de nous donner une éducation solide, accompagné en cela par celle que j'appelais : Maman Rose, la deuxième épouse de son père. Malgré l'absence de mes parents, ma jeunesse bien qu'atypique, grâce à toi Paul, n'a pas été malheureuse.

   Tu as été mon père spirituel.

   Tu m'as emmené pécher en bord de mer à Castiglione ou dans les gorges de la Chiffa et ses torrents de montagne aux beautés inégalées. C'est avec toi que j'ai assisté à Alger à des courses hippiques, vu mon premier Opéra, appris à conduire dans les champs pour ramener la récolte de miel de ton rucher, vu les films de Pagnol quand tu animais le ciné club du village....

   Ma vie aurait pu s'engager vers une autre voie plus hasardeuse, mais j'étais tellement imprégné de ton éducation que je me suis toujours adapté et que ma situation sociale a été somme toute réussie.

   D'ailleurs tes mérites professionnels d'instituteur et la justesse de tes conseils étaient tellement reconnus qu'il y a quelques années des anciens élèves sont venus de toute la France pour te faire une surprise lors d'une invitation au restaurant avec Simone ton épouse et témoigner leurs remerciements : Moments exceptionnels d'émotions intenses.

   Paul ! Tu as eu une vie bien remplie, de travail, d'humanité, d'activités riches d'occupations variées. De l'enseignement à la culture, du jardinage à l'apiculture, tu as réussi tout ce que tu entreprenais.

   Je me souviens de ton mariage dans la cour de la maison de Beni-Mered pendant lequel ton sourire dominait et illuminait le rassemblement familial. Tes expressions et ta voix parfois tonitruante nous imposaient le respect et l'écoute. Il fallait voir la satisfaction et la fierté sur ton visage lorsque tu parlais de François ton fils et de sa réussite sociale.

   De temps en temps quelques rudesses venaient ponctuer tes recommandations, mais on se rendait compte rapidement qu'elles étaient justifiées, surtout fugaces et vite effacées par un retour vers une attitude affectueuse.

  Retracer ton parcours en quelques minutes est bien entendu impossible, mais dire combien tu nous as marqués, combien un peu de toi reste en chacun de nous, alors oui ! nous pouvons déclarer que tu as été notre terreau. Repose en paix."

Son neveu, André CROMBEZ