E.N.I.B
1865/1962
"AU HASARD N° 1
par
PIERRE MARIE (57/61)
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Voici la retranscription des principaux articles du Numéro 1
Article N°1
NOS BUTS
Notre journal ne s'est pas créé
spontanément d'un désir d'originalité. Il y a très longtemps qu'il est conçu.
Aujourd'hui les événements et parmi les plus importants l'intelligente compréhension
de notre Directeur, Monsieur DINI et de notre Intendant Monsieur VINCENT que
nous remercions beaucoup, donnent à ce journal la liberté de paraître. Il a
besoin de parler aux Normaliens et à ceux qui les estiment; il a besoin
d'exprimer les volontés de l'esprit normalien de la Bouzaréah.
Un esprit qui hélas se dissipe
au gré des ans ce dont nous souffrons tous, plus ou moins inconsciemment. Ne répondons
pas que nous ne sommes pas responsables de cette décrépitude.
L'ambiance de l'Ecole est telle
que nous l'avons rendue le plus souvent parce que nous avons été la masse
inactive que s'efforçaient en vain d'animer quelques uns.
C'est pourquoi nous réveillons
aujourd'hui les énergies engourdies. C'est pourquoi nous tenons à réhabiliter
les traditions qui veulent qu'un Normalien soit fier de sa formation et puisse déclarer
bien haut: "Je sors de l'Ecole Normale de Bouzaréah"
La vérité d'hier n'est pas
morte et nous tenons à rétablir dans l'avenir cette vérité: Normaliens, nous
sommes parents! "Mais quelle étrange parenté. Elle se fonde sur l'avenir,
non sur le passé, sur le but, non sur l'origine. Nous sommes l'un pour l'autre
des pèlerins qui, le long des chemins divers, peinons vers le même
rendez-vous" (Saint-Exupéry)
Il est des ports hospitaliers
dont le phare ne doit pas s'éteindre.
BEGOU - PASCUAL
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Article N° 2
A QUOI CELA PEUT-IL SERVIR ? par H.DINI directeur.
Vous me demandez de vous écrire quelques mots, en manière d'édito,
C'est un excellent signe !
J'y vois la preuve que vous m'avez déjà adopté comme CHAÏB et j'en éprouve de la joie.
Je n'ai pas d'autre ambition que de vous rendre heureux dans cette maison, mais, vous l'aurez déjà compris, PAS A N'IMPORTE QUEL PRIX.
Je veux une maison heureuse, c'est vrai, mais où tout le monde soit heureux..... les Elèves-Maîtres d'abord (commençons par vous, puisque vous êtes, en effet, notre seule raison d'être, à tous, ici), mais aussi le plus modeste employé subalterne qui trouvera dans la joie générale une compensation à la modestie de sa condition....
Mais aussi les Professeurs qui viendront avec plaisir s'ils se sentent accueillis avec une sympathie simple mais déférente....
Ils ne viendront plus seuls, avec la clef de leur classe en poche, comme des parias, mais avec leur famille. Les courts de tennis les appellent, aux heures de détente dominicale, le petit bois les attend aux moments des pique-nique, le ciné-club les requiert.....
Mais aussi le Directeur, l'Intendant et leurs collaborateurs immédiats.... Ils vivent, avec leur famille dans votre ambiance; vous composez leur paysage immédiat. Leur bonheur quotidien est fait de la qualité de ce paysage et cette qualité est, elle-même, fonction de chacun de vos gestes, de chacune de vos paroles, de vos galopades, de vos chants, de vos rires, de vos jeux; etc... Qu'il y règne de la distinction, de la délicatesse et le paysage s'éclaire... qu'il s'y glisse de la médiocrité, de la vulgarité, et le paysage s'assombrit.
Je souhaite aussi que les visiteurs, qu'ils soient nos chefs communs, vos parents ou vos anciens y respirent avec un air simple, le bonheur incomparable qu'inspirent certains lieus enchantés.
Eh bien "AU HASARD" peut et doit porter l'écho de ce bonheur tranquille. Veillez y bien... N'y faites pas crier les récriminations futiles, grincer les humeurs mauvaises, retentir les revendications impossibles, hurler les ressentiments passionnés.... Sachez bien que tout jugement hétérogène à notre atmosphère fraternelle y sera la pomme de discorde. Rivalisez, dans vos essais, pour que l'on y sente battre le souffle discret mais régulier de l'idéal. Pesez chaque mot aux balances de la tendresse humaine. Que tout lecteur s'écrie, en vous lisant.... "Ah quel air oxygéné, sur ce plateau de Bouzareah !!" Oui, chers... déjà chers amis, je devine dans les pages qui suivent une inquiétude de bon aloi: "Qu'est-ce qu'un Normalien ?" Question salutaire, question riche de promesse... Nous y chercherons des réponses, chez les anciens, chez les maîtres, dans les buts à venir...
Et nous les trouverons.... AU HASARD...
Henri DINI, alias BOUALEM (Nouveau "chaïb")
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Article N° 3
LES INSTALLATIONS SPORTIVES DE L'E.N.I.B par BAZUS (Sciences Ex)
Il importe, pour inaugurer cette page, de présenter les installations sportives de l'École Normale. Certes nous ne prétendons pas dans cet article présenter aux normaliens les installations de l'École dans laquelle ils vivent; notre but est d'intéresser les parents et amis d'élèves, les anciens normaliens et les moins anciens, ceux qui virent à leur passage ici, se créer dans des conditions difficiles ce dont nous profitons aujourd'hui.
S'il fallait donner une impression générale, disons qu'elle serait satisfaisante et tout à l'honneur de ceux qui contribuèrent à la réalisation de ces installations, nous pensons en particulier à M. DELPRETTI ex-intendant, à M. HAKON, qui furent à l'origine de cette entreprise, à M. VINCENT, Intendant et à M. VERGER qui terminèrent la réalisation de la salle et entreprirent quelques autres travaux dont nous reparlerons.
Qu'ils en soient tous remerciés ici!
Comment ne pas commencer par le joyau de ces installations, la salle de gymnastique, celle que précisément de nombreuses générations de Normaliens désespérèrent de voir achevée et qui fut ouverte l'an passé. Dominant le petit bois, ce bâtiment, par la sobriété de ses lignes, s'assimile à l'architecture de l'École (quoiqu'en dise M. DURAND notre professeur de Dessin). Un hall assez vaste permet d'accéder de plein-pied dans la salle principale. Elle abrite un terrain de basket-ball réglementaire muni de panneaux escamotables, lequel sert fort bien de terrain de volley-ball.
L'aménagement est très moderne; le revêtement du sol se prête particulièrement aux évolutions des basketteurs, volleyeurs et à la culture physique. Barres fixes ou parallèles, cordes à grimper, poutres, tremplins, tapis, médecine-balls, que sais-je encore, devraient faire de nous tous de redoutables champions.
Latéralement s'ouvrent des portes sur les vestiaires, pourvus de lavabos, de douches (froides malheureusement pour l'instant), du chauffage central (jusqu'ici symbolique), sur une salle à accessoires divers, sur les pièces de travail de MM. HAKON et VERGER, nos professeurs.
Face à l'entrée principale, une petite porte, si nous l'ouvrons, nous donne accès à des escaliers qui nous conduiront à la seconde salle située sous la précédente mais de dimensions plus modeste, équipée pour la gymnastique corrective.
Ajoutons que la lumière pénètre abondamment à l'intérieur du bâtiment par deux grandes verrières, que le conditionnement d'air est parfaitement assuré, et nous aurons décrit le principal sur notre salle, orgueil de tous les Normaliens.
(à suivre)
BAZUS (Sc. Ex.).
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Article N° 4
PREMIERS CONTACTS
Une douzaine de lignes - pour
une date fixe - cela vous a un petit air de pensum tout-à-fait dans le style de
l'enseignement traditionnel et désuet. Mais ô ironie, ô paradoxe, c'est l'Elève
qui impose cette tâche au Professeur dont le plus grave tort est d'être
nouveau venu, pis encore "nouvelle venue", dans l'établissement où
sont formées les élites de l'enseignement primaire de demain.
Eh bien non! ce n'est pas un
pensum, c'est au contraire une excellente occasion pour la métropolitaine
d'hier de dire avec quel intérêt passionné elle découvre cette attachante région
et avec quelle joie réelle elle se trouve intégrée à la vie d'une Ecole
Normale dont elle apprécie l'esprit large, ouvert à toutes les idées généreuses,
l'atmosphère cordiale.
La rentrée était hier et
cependant elle semble étonnamment lointaine à celle qui déjà se sent attachée
par des liens affectifs solides à un milieu qui lui est particulièrement cher.
Mlle STAMM.
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Article N° 5
O.S.S.U.
Les activités sportives
scolaires ont repris comme chaque année et les Normaliens ont retrouvé les
stades avec joie.
Tout d'abord nos coureurs de
fond ont essayé de se bien comporter lors du Challenge du Nombre, et maintenant
que le championnat des sports par équipes est ouvert, nos sportifs défendent
avec ardeur le prestige des "jaunes et violets".
En basket, nos Juniors I ne
veulent pas se contenter de la simple place de finalistes qu'ils avaient l'an
dernier; ils sont décidés cette année à remporter le titre. Quand aux
seniors, si déjà l'âge les rend plus raides (ou le manque d'entraînement ?),
leur premier résultat permet une belle fin de saison. Les juniors II, avec des
moyens moindres, font leur possible pour ne pas démériter. Bravo !
Les juniors de football ont
autant d'ambitions. Ils ont aussi de sérieuses qualités. Nous avons confiance
en eux. Les seniors étaient décidés, eux aussi, à se faire remarquer. Ils y
ont réussi, mais en perdant leur premier match. Que le sort leur soit plus
favorable (hein Ripoll !..)
Nos équipes de hand-ball débutent
assez mal. Mais l'entraînement aidant, elles seront à même d'être aussi
brillantes qu'elles le furent l'an passé.
Les volleyeurs enfin, nous
procurent beaucoup de joies par leurs victoires. Mais comme nous prenons
l'habitude de les voir aux premières places depuis quelques années, nous
attendons leur première défaite pour parler plus longuement d'eux ici.
Ne finissons pas ces
commentaires optimistes sans apporter notre petite critique traditionnelle:
quand donc l'École Normale verra-t-elle se créer une "galerie" assez
bruyante pour conduire à tous les coups nos joueurs à la victoire ? Il ne faut
plus tarder, les matchs importants sont pour demain !
ASTIER Alain
RÉSULTATS SPORTIFS
Jeudi 17 décembre 1959
FOOT-BALL :
Juniors : E.N.I.B. - Lycée d'El-Biar
: 3 - 0
Seniors : E.N.I.B. - Lycée d'El-Biar
: 0 - 2
BASKET-BALL :
Seniors : E.N.I.B. - Lycée
Bugeaud : 44 - 36
Juniors : E.N.I.B. - Lycée
Bugeaud : forfait
Juniors : E.N.I.B. - Lycée
Bugeaud : 36 - 42
VOLLEY-BALL :
Cadets : E.N.I.B. - Lycée d'El-Biar
: 2 - 0
Jun-Sen : E.N.I.B. - Ec. Sup.
de Comm. : 2 - 1
Jun-Sen II : E.N.I.B. vainqueur
par forfait
HAND-BALL :
Cadets : E.N.I.B. - Lycée
Gautier : 4 - 11
Seniors : E.N.I.B. - Lycée d'El-Biar : 21 - 14
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APOLOGIE DES MATHEUSES par C.DIAINE (4éme Année)
Cette année encore l'E.N. de Filles n'a pas failli à la tradition et c'est avec une joie mal contenue (sic) que les normaliens ont vu arriver six jeunes filles charmantes (resic), sélectionnées - on est tenté de le croire - par un difficile concours de beauté.
Chaque matin nous les voyons pénétrer dans l'Ecole avec une discrétion qui n'a d'égale que leur aspect intelligent et leur parfum (on prétend même qu'il arrive à recouvrir celui du poisson à midi). Quel contraste elles forment, fraîches et roses, savamment pomponnées et rasées de près, avec les normaliens encore endormis qui balaient les galeries. Leur physique est d'ailleurs à la hauteur de leur esprit... Eh oui! elles ont de l'esprit. Bien plus, elles ont l'esprit mathématique. Si vous faites le calcul des probabilités vous verrez combien rares sont ces oiselles-là. De véritables femmes savantes vous dis-je.
Prenez garde, Messieurs les Matheux, que leur rire intelligent au timbre cristallin, si agréable à nos oreilles (!), ne vous charme pas trop. N'oubliez pas cette parabole - une de plus - "C'est avec un R de rien que l'on passe de gémination à germination". Même lorsqu'elles viendront vous murmurer leur légendaire histoire d'amour: "Math aima Tic, Tic est mort, Math elle l'aime encore".
DIAINE Charly (4ème A)
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LA DANSE DES BALAIS par B.SAES (1ére Année)
Driing! Debout là-dedans, c'est l'heure! Encore une journée qui commence. Toilette, petit déjeuner: l'heure du service arrive. Je l'avoue ce n'est pas la plus agréable. Pénétrer dans un dortoir où l'atmosphère est encore lourde d'odeurs de toutes sortes, voir des rangées de lits, des papiers partout, c'est démoralisant. Enfin, balayons! Boites vides de biscuits, papiers de bonbons, miettes, tubes vides de lait condensé, nous voilà!
La corvée pourrait être monotone avec un minimum de papiers, mais hélas! il y a les lendemains des jours de sortie! On voit alors que le ravitaillement a été fait et il nous arrive de dire: "On voit que ce n'est pas eux qui font le service". Mais c'est si bon de croquer quelques friandises le soir; elles paraissent si douces, si délicieuses.
Et puis, à propos de cette corvée, tous les camarades en ont une; nous avons celle-là, faisons-la avec le plus de sérieux dont nous sommes capables. Viendra le jour où nous serons deuxième année...
SAES B. (1ère année M')
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Article N° 8
LA VOIX DES PROMOTIONS par CATALA (Classe de Philo)
Nous voici philosophes depuis un trimestre. Dix-huit élèves qui ont élu domicile dans une salle de poche. On y respire mal, mais, nous, nous y sommes bien. Ce n'est pas une classe comme les autres, aussi froide, aussi triste, aussi ordonnée qu'une chapelle. Ici, pupitres, tableau et bureau se pressent, se touchent du bois: un noyau intime de désordre où on y voit clair. Et puis notre classe vit, pense, résonne de discussions. L'homogénéité de son groupe est le facteur essentiel de l'esprit qui y règne - un bon esprit, franc, sympathique, original -.
Dès le début, la promotion s'est tendu la main dans un bourdonnement de ruche. Nous nous sommes adoptés avec la poigne solide et le sourire aux lèvres. Et un soir quelqu'un a dit: "Nous formons une classe formidable"; alors les "C'est vrai!" se sont répandus aux quatre coins de la salle en signe d'acquiescement. Ce fut notre premier point. L'ambiance, captive, ici se fait docile. Nous l'avons apprivoisée avec l'aide de notre professeur de philo. Notre résolution a été prise en commun. Nous avons décidé de jouer franc jeu, de travailler, de combler les heures creuses avec du bon ciment. Quelque chose de solide. L'édifice commence à prendre forme. Déjà le silence est obtenu sans grand mal, l'emploi des heures 'étude est élaboré.
Nous ne regrettons pas d'avoir reçu le titre de philosophes. Nous en sommes fiers et tous nos efforts sont tendus vers un résultat. Ce que nous voulons, c'est construire, acquérir notre indépendance vis à vis des Matheux et des Sciences Ex., voir disparaître ce préjugé qui veut que la classe de Philo soit un paradis de tout repos. Si le bruit alerte quelques fois l'effectif des surveillants, ce n'est pas une déclaration de guerre. Les discussions enfiévrées ont toujours de la voix. Nous illustrons avec bonne volonté les paroles de Descartes: "Je pense, donc je suis". Ces chahuts disciplinés ont une signification: notre présence.
Si quelques uns d'entre nous cachent au fond de leur pupitre quelques poèmes ou pièces théâtrales... qu'ils ne se découragent pas si un brrrave normalien leur dit: "CINÉMA". C'est idiot, sans finesse, usagé, vieillot... Il faut jeter les fleurs fanées.
Nous goûtons l'art et nous sommes tout prêts à adhérer à un club poétique, à la création d'une pièce. On nous a déjà compris et c'est avec enthousiasme que nous retrouvons chaque mardi les marionnettes qui animeront bientôt "la Farce de Maître Pathelin".
L'année avançant, et lorsque nous sentirons au creux de l'estomac le pincement sournois de l'examen, nous ne reculerons pas. La première pierre est posée. Chaque élève l'a scellée avec volonté, courage et espoir. Que chacun respecte les conditions. Et tout ira bien.
Les Philosophes (Mise en forme: CATALA)
ET VOUS, AUTRES PROMOTIONS, POUVEZ-VOUS EN DIRE AUTANT? NOTRE JOURNAL VOUDRAIT LE SAVOIR.
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CINEMATOGRAPHIQUEMENT PARLANT
Au soir des samedis de petite
sortie, les portes de la salle de conférences s'ouvrent sur les mystères et
les beautés du 7ème art...
Les lumières s'éteignent et
le film commence.
Mais savez-vous ce qui a précédé
ce moment-là? Savez-vous ce qui a permis que les portes s'ouvrent pour une séance
de cinéma? C'est tout d'abord, sans aucun doute, les 100F que nous avons versés.
Grâce à cet argent les films sont loués à l'Office du Cinéma Éducateur et
les droits payés. Mais l'argent ne suffit pas, n'a pas suffi. Il a fallu établir
une programmation, fixer avec l'Office les modalités de location, il faut, le
samedi matin, "descendre chercher les films". C'est la tâche du dévoué
"Toto" (philosophe de son état).
Enfin, jusqu'à présent, on
devait au début de chaque séance mettre en route l'appareil de projection et,
croyez-moi, cela n'était pas une mince affaire. Inquiets, les opérateurs se demandaient toujours si "la
machine à coudre" allait tenir. Mais ces multiples sujets de lamentation
disparaissent maintenant puisque Monsieur l'Intendant vient de nous offrir un
nouvel appareil - MS24 - dernier modèle DEBRIE (pour les initiés). Nous
faisons part ici à Monsieur l'Intendant de notre gratitude.
Les bobines sont donc à l'Ecole,
la pellicule sur l'appareil, celui-ci est en route. Le film déroule ses images.
On le regarde - on est là pour ça -, on rit lorsqu'il faut rire, parfois
lorsqu'il ne le faut pas, on s'émeut au malheur du héros, on sourit aux
baisers de l'héroïne, bref on est bon spectateur. On a suivi l'action, on
croit avoir compris, et l'on s'achemine vers le dortoir en échangeant quelques
impressions avec le copain d'à côté, le plus souvent sur le sex-appeal de la
vedette, et puis après avoir soigneusement remonté les couvertures, on
s'endort du sommeil du juste.
Que reste-t-il du film le
lendemain? RIEN. Croyez-vous qu'un film soit cela? En effet un film c'est autre
chose. Il y a, dans la façon de s'exprimer par l'image sonore, un rythme et un
mouvement qui n'appartiennent à aucune autre forme artistique. Il faut donc
croire en la beauté d'un film et non en la beauté de l'héroïne; cette beauté
dépend des deux facteurs que nous avons cités. Et au lieu de s'endormir
douillettement sous leurs draps sans aucune réflexion personnelle, les
normaliens devraient penser un peu qu'ils ont l'âge de raison et qu'ils ont dépassé
la période des distractions gratuites.
Vous devinez sans doute où je
veux en venir; à la discussion bien sur. Ne dit-on pas: "De la discussion
jaillit... la lumière"? Si chaque normalien prenait sur lui-même de faire
vivre son ciné-club ce serait un nouveau moyen de culture qui s'ouvrirait
largement devant lui.
BOIRIN Claude (4ème année).
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Article N° 10
CONTE DE NOEL
Le vieillard se hâtait seul
dans la nuit. Débarquant d'une gare, il devait rejoindre une lointaine station
de banlieue afin d'y trouver un autre train. Au tournant de l'interminable rue
de cette ville inconnue, il déboucha brusquement sur un terrain vague, profond
comme une mer de goudron. Il était tard maintenant. Il s'immobilisa dans le
halo du dernier réverbère et alors que le froid l'envahissait tout entier, il
eut conscience d'avoir perdu son chemin.
"Tournez à droite puis à
gauche", lui avait-on conseillé...
Les détails de son itinéraire
remontaient de sa mémoire pleins de confusion. "J'aurais du prendre un
taxi" se dit-il.
Il allait rebrousser chemin
lorsqu'il reconnut émergeant du bitume nocturne, à la hauteur de ses poches,
tout contre lui, le visage blanc d'un enfant. Celui-ci, de ses petites mains,
s'agrippa de toutes ses forces à son pardessus et implora:
"Père Noël, montre-moi
la chaleur du Paradis, je te prie!"
Sans un mot l'homme souleva
l'enfant, l'entoura de ses bras et pressant le pas s'en revint vers le centre de
la ville.
"Dis, Père Noël,
montre-moi la chaleur du Paradis" répéta l'enfant. Que faire? Chercher un
Commissariat? et cette gare, et ce train qui allait partir d'un moment à
l'autre!
L'homme marchait droit devant
lui. Les façades succédaient aux façades comme des murailles sans fissure, et
le léger enfant était lourd à porter.
" Montre-moi, Père Noël,
la chaleur du Paradis" réclamait l'enfant d'une façon lancinante.
"Oui, répondit l'homme,
fermement, nous y allons".
Ses forces l'abandonnaient.
Cependant il distingua devant lui, entourant un jardin squelettique, une faible
barrière de bois. Avec peine il l'enjamba et courbé sur les branches
agressives, protégeant son fardeau, il se dirigea vers le fond du jardin où se
détachait une petite porte vitrée sur la tache livide d'un pan de mur blanchi
à la chaux. Il appuya sur le bec-de-cane, celui-ci céda et la porte s'ouvrit.
Il se glissa derrière elle et la referma doucement. A tâtons, il suivit un
long couloir rempli d'ombres étroites, trébucha sur trois vieilles marches, découvrit
sous sa main un chambranle de porte et, à la hauteur habituelle, un bouton qui
lui donna immédiatement de la lumière électrique. Celle-ci lui apprit qu'il
se trouvait dans l'arrière-boutique d'un droguiste.
"Nous sommes arrivés"
dit-il calmement.
L'entrepôt regorgeait
d'emballages de toutes sortes. Des amoncellements de caisses multipliaient les
coins noirs et formaient des labyrinthes aériens et souterrains. Hétéroclites,
des objets brillaient succédant à d'autres, moelleux, aux profondeurs opaques.
C'était un délire d'entassement, du plancher au plafond. Seule et nue, dans ce
bric-à-brac, une des quatre cloisons accueillait la lumière.
"Voilà exactement ce
qu'il me faut" pensa l'homme.
Il voulu sourire à l'enfant,
mais celui-ci s'était endormi dans leur chaleur mutuelle, et par ses bras il en
estima tout le prix.
Des sapins brosses jonchaient
le sol. S'aidant de ses pieds il confectionna un lit de fortune dans le recoin
le plus obscur, face à la paroi resplendissante. Il y déposa l'enfant et ôtant
son manteau, l'en recouvrit délicatement.
Puis il s'assit pesamment sur
une caisse. Son regard allait alternativement de la cloison enduite de plâtre
à un monceau de boîtes cylindriques renfermant des couleurs industrielles.
Un peu plus loin, des balais,
des plumeaux, des brosses en tous genres semblaient n'être là que pour
attendre sa venue.
Tranquille, il se leva, saisit
une boîte de peinture, une deuxième, une troisième et d'autres encore; les éventra,
les disposa, en choisit une et, sans prendre la peine de remuer la préparation,
la précipita toute entière sur la surface blanche. Il en surgit une étoile.
Il recommença son manège avec les autres boîtes et des kilos de couleurs élues
giclèrent merveilleusement de ses mains.
Alors, rassemblant balais,
plumeaux et brosses, il se mit furieusement à peindre.
Ainsi fit-il, très longuement.
Et pour l'enfant comme pour lui-même, chacun fixé dans son propre rêve, le
temps perdit sa consistance. Toutefois, silencieuse, la nuit s'écoulait peu à
peu. Un lambeau d'aurore blanchâtre révélait déjà la présence de fenêtres
inopportunes.
Le vieillard maculé de
peintures dégoulinantes comprit que le moment était venu, pour lui, de disparaître.
Sans perdre un instant,
s'essuyant les mains le long de ses flancs, il se pencha sur l'enfant enfoui
dans le sommeil.
A regret, il le découvrit de
son pardessus, lui substituant quelques nappes abandonnées sur une table. Enfin
traversant le capharnaüm sur la pointe des pieds, il éteignit la lumière et
s'enfuit.
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Article N° 11
LE
NORMALIEN
A
longueur d'année, le Normalien s'entend dire qu'il fait partie d'une élite,
que futur éducateur il se doit d'avoir une ligne de conduite exemplaire, qu'il
a le droit de se sentir sinon supérieur, du moins différent des Elèves de Lycée...
Il
faut dénoncer que ceci est loin d'être l'évidence pour lui. Du moins où le
doute nous traverse, nous nous prenons à réfléchir sur la question, et notre
imagination fait le reste.
Que
pense-t-on du Normalien? Que croit-il être lui-même? Que devrait-il être?
Le
Directeur et les Professeurs affirment qu'il est sélectionné par le Concours
d'entrée, puis soumis à une juste et sévère discipline ainsi qu'à un
travail équilibré, entrecoupé de détentes sportives, musicales ou autres,
tout cela lui permet de se donner une culture générale nécessaire et
profitable. Après quoi, il espère de lui assez d'intelligence pour saisir les
problèmes que posent la vie sociale, la morale, le devoir.
L'Intendant
pourrait déjà avoir un avis différent sur son compte. Il est près de sa vie
matérielle et a le doigt pointé sur ses écarts de conduite. Il donne lui-même
aux curieux tous les détails possibles à ce sujet.
A
l'extérieur de l'Ecole, l'esprit commun pense: "C'est sérieux là-haut!".
On le prend déjà pour un Instituteur, même s'il est en première Année.
Le
Normalien, lui, sait bien qu'il ne ressemble pas à ces images. Loin de se
sentir un éducateur en herbe, il se voit comme un "bachoteur" qui n'a
que le soucis de l'examen. Ses joies? Une grande sortie, la foire entre
copains... Sa morale? Il fait tout pour la fuir.
Les
petites misères de la vie en groupe, en internat, le marquent profondément.
Souvent il se croit persécuté, il attache de l'importance à des petits faits
insignifiants dans le temps, mais qui interviennent dans ses moments les plus
chers: une punition empiète sur sa petite liberté...
La
vérité est que les discours des "profs" s'adressent beaucoup plus
aux élèves de 1ère et 2ème Année qu'à ceux de 3ème et 4ème, qui, eux,
sortis de leur crise d'adolescence, ont de plus quelques notions de philo, ils
savent que la vie en communauté impose une conscience collective que "les
autres" contaminent, une manière de penser, et qu'il faut fuir leur
"enfer".
Vers
la fin de ses études, le Normalien devrait ne penser qu'à sa culture et à son
métier, s'élever au-dessus des difficultés de l'internat pour tourner ses
regards vers la bibliothèque, affiner ses goûts en commençant par la
recherche d'occupations saines, ô combien loin des éphémères dimanches de
surprise-partie.
Si
jamais Françoise SAGAN a dit quelque chose d'intéressant, c'est bien: "La
culture, c'est ce qui reste quand on n'a rien à faire". Alors, qu'on ne
perde pas son temps quand notre jeunesse peut en profiter, il y a tellement de
choses à apprendre.
LLINARES (P'tit Jean) Sciences EX.
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AVIS
Les musiciens de l'orchestre de
l'E.N. remercient leurs camarades de la sympathie qui les pousse à applaudir
toutes leurs interprétations. Cependant ils souhaiteraient que les ovations
soient en rapport avec la valeur des exécutions. Ainsi leur petite formation améliorera
son répertoire en éliminant "les saucissons", si difficiles à
admettre par des oreilles averties.
LAVEN
Rémy (2ème Année)
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VOYAGE DE
PROMOTION
Renouant avec la tradition, la
4ème Année organise pour les vacances de printemps son voyage de promotion.
Les Normaliens avaient à opter soit pour un séjour à Paris et en Normandie,
soit pour un itinéraire en Italie. Devant le coût du circuit italien et les
difficultés d'hébergement aux étapes, le second projet fut écarté.
La contribution financière des
46 participants sera modique grâce aux subventions que nous espérons recevoir
du conseil général, des différents organismes administratifs et des amis de
l'E.N.. La participation de chaque normalien n'excédera pas ainsi les 20 000Fr
généralement prévus pour ce genre de voyage.
C'est au Centre Laïque de
Tourisme Culturel (C.L.T.C.) que nous pensons confier l'organisation de notre
itinéraire. De prochaines réunions en préciseront les détails.
A présent nous aimerions définir
le but de notre voyage. Certes la visite des musées et des monuments composera
la partie d'étude de l'exposition, mais, par contre, c'est le côté
"voyage d'agrément" que nous envisagerons lorsque nous prendrons nos
loisirs aux heures entièrement libres qui nous seront accordées. Oui, mais
dans ce voyage de promotion, il faut surtout voir le couronnement du séjour des
normaliens dans leur Ecole, le souvenir marquant de leur amitié, déjà presque
la fin de la jeunesse et le début de la vie.
GUARDIOLA
Jacques (4ème Année)
COMPTE-RENDU
DE LA COLLECTE POUR LES SINISTRES DE FREJUS
- Accueil
chaleureux de tous.
- Somme
recueillie: 122 350 Fr.
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